Pourquoi le gorille est-il considéré comme le plus intelligent des animaux en G ?

Le gorille ne fait pas la une des protocoles de tests, et pourtant, il bouscule les certitudes. Les études ont longtemps favorisé le chimpanzé, plus « démonstratif », mais au fil des années, les chercheurs découvrent que le gorille joue dans la même cour, simplement selon ses propres règles. Les tests d’intelligence habituels, calibrés pour des animaux expressifs ou dociles, ont souvent laissé dans l’ombre les prouesses des gorilles, moins enclins à la compétition ou à la démonstration tapageuse.

Pourtant, les articles scientifiques s’accumulent, révélant des scénarios où le gorille manipule des objets, imagine des solutions inédites ou communique de façon nuancée. Prenons le test du miroir, longtemps réservé au chimpanzé star ou à l’orang-outan : voilà que le gorille, bien que discret, surprend les laboratoires en manifestant des comportements qui interrogent sur sa conscience de soi. Les lignes bougent, et la hiérarchie supposée de l’intelligence chez les grands singes vacille.

Comprendre l’intelligence chez les grands singes : définitions et critères d’évaluation

Distinguer la finesse de l’intelligence animale, c’est se pencher sur ce qui rapproche ou sépare vraiment l’humain de ses proches parents primates. Chez le gorille comme chez le chimpanzé, l’orang-outan ou le bonobo, le cerveau assure une mise en réseau d’une impressionnante complexité. Les études de l’université d’Adélaïde, parues dans The Royal Society Publishing, révèlent une oxygénation cérébrale nettement supérieure à celle des australopithèques, voie ouverte vers une évolution qui ne tient pas qu’à la taille du crâne. Ce sont les connexions denses de neurones et de synapses qui permettent une cognition riche, fondée sur la mémoire, l’adaptabilité et la capacité à se projeter dans l’avenir.

Mesurer l’intelligence ne revient pas à un simple calcul du nombre de neurones. Les chercheurs étudient aussi la capacité d’apprentissage, la facilité à acquérir de nouveaux savoirs, et l’aptitude à appréhender ce que ressent autrui. La fameuse théorie de l’esprit fait figure d’idéal : être en mesure d’attribuer des intentions, d’analyser les émotions, d’apprendre en observant, d’inventer face à une situation inédite.

Voici les principaux axes d’analyse que privilégient les chercheurs pour évaluer l’intelligence des primates :

  • Capacités d’apprentissage et transmission de savoirs d’un individu à l’autre
  • Comportements sociaux structurés, rituels partagés au sein du groupe
  • Expression de l’empathie, notamment lors d’événements marquants comme la mort

En s’attachant à l’éthologie cognitive, le regard sur les grands singes change profondément. Les histoires de Lucy, Koko ou Washoe en témoignent : chaque sujet met à jour des aptitudes nouvelles, que ce soit pour communiquer, créer ou organiser sa vie sociale. La manipulation d’outils n’est plus le seul marqueur décisif. Désormais, on observe la capacité à faire passer une émotion, à dialoguer en langue des signes, ou à improviser une solution face à l’inattendu. L’observateur humain, face au regard d’un primate, perçoit alors une part de son propre reflet, sans gommer la richesse singulière de chaque animal.

Gorilles, chimpanzés, orang-outans : quelles différences cognitives majeures ?

À comparer les grands singes, on repère vite les contrastes. Le gorille se distingue par des aptitudes sociales très fines. Le mâle dos argenté, véritable pilier du groupe, veille sur l’équilibre du clan et transmet les comportements qui cimentent la cohésion. On le voit orchestrer des rituels autour des naissances, accompagner la gestion du deuil, et partager des expériences qui tissent la vie collective.

Le chimpanzé, lui, étonne surtout par sa palette de comportements. Washoe, formée à la langue des signes, et Sarah, qui s’est illustrée avec les lexigrammes, incarnent ce goût de l’innovation. Les outils se multiplient, les techniques de chasse se perfectionnent et chaque communauté développe ses propres traditions, transmises d’une génération à l’autre.

L’orang-outan choisit une voie plus individuelle. Ce solitaire fait preuve d’une grande ingéniosité dès qu’il s’agit de se débrouiller seul. Il mémorise des itinéraires complexes, fabrique les outils adaptés à chaque défi, et fait constamment preuve de débrouillardise.

Pour mieux mettre en lumière les forces de chacun, voici une synthèse des aptitudes cognitives les plus frappantes :

  • Gorille : intelligence émotionnelle développée, solidarité du groupe
  • Chimpanzé : créativité, émulation sociale, transmission de comportements nouveaux
  • Orang-outan : autonomie, résolution de problèmes complexes de façon individuelle

Ce qui ressort chez le gorille, c’est cette volonté de placer l’intelligence au service des relations, d’accorder une place centrale à la cohésion et à l’expression des ressentis. Les chercheurs reviennent aujourd’hui sur bien des a priori concernant la supposée hiérarchie des capacités intellectuelles chez les animaux.

Tests du miroir et autres expériences : des preuves concrètes de l’intelligence des primates

Le fameux test du miroir, lancé par Gordon Gallup, place la barre très haut : reconnaître son reflet, comprendre que l’image réagit à vos mouvements. Peu d’espèces y parviennent, mais certains gorilles y arrivent, comme Koko. Suivie par Francine Patterson, Koko identifie la marque placée sur son visage, s’en sert du miroir pour la regarder, et démontre une vraie auto-représentation.

Mais Koko va bien au-delà. Elle apprend à utiliser plus de 1000 signes, comprend près de 2000 mots en anglais parlé, et dialogue quotidiennement avec l’équipe qui la suit. Chez Washoe ou Sarah, la reconnaissance de symboles et l’acquisition du langage témoignent d’une capacité sidérante à saisir des abstractions et à transmettre ces compétences à d’autres jeunes primates. Dans certains groupes, ces acquis deviennent un socle de culture qui forge des traditions.

L’empathie du gorille frappe par sa finesse. Koko a été marquée par la perte de son chat All Ball, a manifesté une vive émotion lors de sa rencontre avec Robin Williams, et ses rituels funéraires ont interpellé de nombreux scientifiques. L’intelligence du gorille ne se limite pas à manipuler ou fabriquer des objets : elle éclate dans la richesse émotionnelle, dans cette capacité à ajuster ses réactions en fonction des individus et des circonstances. Les dernières recherches de l’université d’Adélaïde ou de The Royal Society Publishing appuient cette vision : chez les grands singes, le cerveau réunit puissance, adaptabilité et une étonnante finesse de perception sociale.

Gorille curieux utilisant une tablette dans un centre de recherche

Pourquoi le gorille fascine-t-il autant dans le débat sur l’intelligence animale ?

L’attrait opéré par le gorille tient autant à sa prestance qu’à ce halo de questionnement qui entoure chacun de ses gestes. Koko incarne à merveille cette profondeur : à travers elle, on découvre un esprit habité d’humour, de tristesse, d’étonnement ou de tendresse, bien loin de l’image d’animal impassible.

L’engouement dépasse largement le cercle scientifique. La Planète des Singes a hissé le gorille au rang de figure mythique, bien avant que César ne devienne le symbole de l’intelligence réinventée. Les avancées scientifiques nourrissent l’imaginaire collectif, et la popularité du gorille creuse encore le sillon entre fascination et projection.

Des primatologues tels que Shelly Masi, Cédric Sueur ou Amandine Renaud mettent en avant la richesse du monde social et cognitif des gorilles. Les sociétés évoluent, les alliances se multiplient, les savoirs circulent et se réinventent. Ces dynamiques prouvent à quel point l’intelligence des gorilles demeure vivante, mouvante et adaptée.

Pourtant, le temps n’est plus à la contemplation. Le gorille figure désormais sur la liste des espèces en danger, une alerte qui dépasse la question scientifique pour toucher celle de la responsabilité collective. Sa destinée soulève une interrogation lancinante : sommes-nous prêts à regarder le vivant en face et à préserver cette part d’altérité qui, silencieusement, nous renvoie à notre propre humanité ?

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